Sortie de dissolution : on en est-on ?

Après des semaines de combats politiques acharnés et instables, peut-on considérer les objectifs de la dissolution remplis ? Entre conversations de rue et enjeux de campagne, lisez notre point de vue dans notre newsletter de la semaine.

L’incertitude plane encore

À la suite des résultats du second tour des législatives de ce dimanche 7 juillet, nous nous sommes rendus à Paris, sur le rond-point Gambetta (XXème arr.) et le boulevard Saint-Germain (VIème arr.), pour recueillir l’avis de Laure, Mouloud, Sitta et Jean-François quant à leur compréhension de la dissolution du 9 juin et de ses objectifs politiques.

Sur le rond-point Gambetta…

Laure, 55 ans, estime avoir une bonne connaissance de la politique. Elle décrit la dissolution de l’Assemblée nationale comme un “grand mystère”.  Toutefois, elle pense déjà à la reprise des travaux parlementaires, après l’arrêt imposé par la dissolution : “Il est important que le projet “Fin de vie” soit directement traité par les nouveaux députés car c’est un sujet qui nous concerne tous, même s’il est en discussion depuis de nombreuses années” affirme-t-elle. Avant d’ajouter : “C’est un vrai problème de société et je pense que le principal obstacle à cela est l’investissement financier dans les soins palliatifs français. Mais il faut agir car les personnes concernées ont beaucoup d’attentes.”

Mouloud a 66 ans et avoue ne connaître qu’à moitié le sujet politique. Son avis est pourtant précis sur la dissolution : “Emmanuel Macron a respecté les droits constitutionnels en observant la tendance politique du peuple lors des élections européennes. Je pense qu’il n’a pas rempli son objectif car cela a rendu la situation encore plus floue qu’elle ne l’était.” Mouloud n’est pas satisfait du gouvernement en place où le Président “n’est plus celui du peuple” et Gabriel Attal “n’est pas assez expérimenté” pour un tel rôle. 

Une illustration de Margot Soulat

Illustration de Margot Soulat

De l’autre côté de la ville, au niveau du boulevard Saint-Germain…

“La décision d’Emmanuel Macron a été prise sur un coup de tête” décrit Sitta, une sexagénaire de nationalité allemande, disposant tout de même d’une bonne connaissance en politique française. “Il a surpris tout le monde, même dans son propre camp” s’étonne-t-elle. Concernant le futur de l’Assemblée nationale, Sitta aimerait “que tous les groupes politiques se trouvent un but commun car ici, on n’a pas l’habitude des coalitions contrairement à l’Allemagne.”

À 50 ans, Jean-François suit chaque jour l’actualité politique. Lui aussi a un problème avec le Président français : “c’est un mégalomane, sa décision de dissoudre l’Assemblée a un coût politique qu’il n’a pas maîtrisé.” Comme Laure, le texte lui paraissant prioritaire pour les députés est celui de “la fin de vie” car “on va tous mourir !” ironise-t-il. L’homme de gauche avoue : “j’aimerais vraiment de fortes mesures écologiques mais cela me paraît compliqué pour le moment.” 

Un micro-trottoir de Théophile Joos


Enjeux pratiques d’une dissolution précipitée

Comprendre les défis d’une campagne éclair.

Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le dimanche 9 juin, l’attention s’est tout naturellement portée sur l’analyse du séisme politique. Les différends entre Républicains, l’alliance de partis de gauche dans le Nouveau Front Populaire, l’absence d’accord entre le Rassemblement National et Reconquête ainsi que la débâcle présidentielle ont accaparé les articles et les plateaux.

Pourtant, les conséquences pratiques de la dissolution ne sont pas celles d’une élection ordinaire et méritent une attention particulière. Et pour cause, le délai imparti pour présenter officiellement sa candidature a été très court, contraignant les personnes susceptibles de faire campagne à trouver les fonds, désigner un mandataire financier et remplir leur dossier en sept jours. Un tempo très presto pour des candidats qui d’habitude disposent de plusieurs mois.

Cela a eu plusieurs conséquences très concrètes sur la campagne, et donc, sur le scrutin.

D’abord, le nombre de candidats sans étiquette a été considérablement réduit. Afin de réaliser toutes les formalités administratives, il était en effet nécessaire d’être déjà organisé avant l’annonce de la dissolution. Ces législatives procurent donc un avantage aux députés sortants et aux partis nationaux. D’ailleurs, pour les profils des candidats élus au premiers tours ou présents au second, la dissolution a sans conteste amplifier l’importance de l’étiquette. Cela est d’autant plus paradoxal que la rapidité de la campagne a réduit son coût et aurait pu ouvrir davantage l’élection à des indépendants. Une campagne moins chère mais imprévue et plus rapide, voilà donc la bonne recette pour le retour des partis.

Ensuite, cette campagne survient juste après les élections européennes. Cela signifie, d’une part, que les candidats ont rencontré de grandes difficultés pour obtenir leurs affiches, tracts et bulletins. Les stocks des imprimeries ont en effet été épuisés par le scrutin du 9 juin. D’autre part l’élection des eurodéputés avait déjà largement mobilisé les militants. Ces derniers ont dû repartir sur les routes au moment même où le repos leur était promis. Mais cela a également permis aux plus grands partis de réactiver rapidement leur base.

Une illustration de Margot Soulat

Illustration de Margot Soulat

Enfin, une conséquence négative de la “surprise du 9 juin”, est la dissonance entre la volonté de l’Exécutif de mobiliser massivement le corps électoral pour soutenir “l’arc républicain” et l’impossibilité pour certains abstentionnistes non-inscrits de voter pour ces élections exceptionnelles.  Selon l’INSEE, 5% des Français en âge de voter ne sont pas inscrits sur les listes électorales.

Plus de 2 millions de personnes majeures n’étaient donc pas inscrites sur les listes le soir de l’annonce présidentielle, et a constitué une réserve de voix inutilisable. 

Les personnes non inscrites, abstentionnistes parmi les abstentionnistes, ont vécu l’électrochoc de la dissolution comme une punition. Le code électoral prévoit en effet qu’un citoyen ne peut participer au scrutin que s’il est inscrit depuis au moins six semaines, un délai bien trop long face aux quatre semaines séparant le 9 juin du premier tour du scrutin. Le code électoral prévoit néanmoins quelques exceptions, notamment pour les personnes devenues majeures récemment (nées entre le 18 mai et le 5 juillet 2006). Cette situation, minoritaire dans l’ensemble du corpus électoral, a pourtant influencé les résultats, étant donné que les résultats de nombreux scrutins se sont joués à quelques centaines de voix près

 Un article de J.J.

LÀPJOURNAL

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