Alors que le projet de loi de finances 2025 prévoit des baisses de la dépense publique, la défense est l’une des rares missions de l’État à voir ses moyens augmenter. La hausse prévue est de 7%, amenant ce budget à 50,54 milliards d’euros. Des crédits qui suivent la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, prévoyant la dépense de 413 milliards sur sept ans. Fini les “dividendes de la paix”, souligne le ministre des Armées Sébastien Lecornu, faisant allusion à la baisse soutenue des dépenses militaires dans l’après-guerre froide.
En 2025, les effectifs des armées devraient croître de 700, pour dépasser les 271 000 personnes. Néanmoins, la part de la masse salariale dans les crédits alloués passera de 29% à 27% : les hausses concernent d’autres postes. Innovation, renseignement, infrastructures et petits équipements atteignent 16% des crédits, pour 12% en 2024. Les dépenses liées à la dissuasion nucléaire augmentent de 8%, au titre de la modernisation des sous-marins, des missiles et du porte-avions qui la composent. Drones et IA doivent faire l’objet d’efforts financiers au même titre qu’avions et blindés. À l’inverse, les fonds consacrés aux opérations extérieures (opex) et aux missions intérieures (missint), comme l’opération Sentinelle en cours depuis 2015, passent de 2% à 1% des dépenses totales.
Moins d’opex et de missint, plus d’armements et de technologie : ces choix budgétaires visent à l’évolution du paradigme militaire français dans le sens de la préparation à la guerre de haute intensité telle que celle opposant l’Ukraine à la Russie. En 2023, la LPM 2024-2030 visait à armer la France face à de telles menaces et à la maintenir au rang des grandes puissances militaires, tout en garantissant le maintien des dépenses militaires au-dessus du seuil de 2% du PIB imposé par l’OTAN.
Une différence avec la feuille de route de la LPM s’observe toutefois. Alors que l’aide à l’Ukraine, était initialement financée par des “dépassements” extérieurs au budget de la défense, elle s’intègre désormais au champ des dépenses prévues par celui-ci. De quoi craindre que le soutien à Kiev n’empiète sur les moyens consacrés aux armées françaises ? Auditionné au Sénat, Sébastien Lecornu a assuré le contraire. Et d’expliquer que cette aide consistera en grande partie en la livraison à l’Ukraine de matériels militaires français justement destinés à être remplacés dans le cadre de la LPM, représentant en 2025 600 à 700 millions en nature. Par ailleurs, l’inflation ayant baissé par rapport au moment où fut votée la LPM, l’État prévoit près d’un demi-milliard d’économies sur les dépenses militaires prévues, à réaffecter à l’aide à l’Ukraine. Sans oublier les 300 millions d’avoirs gelés russes, employés à l’achat d’aide militaire et à la rénovation de missiles complexes. Reste à voir si ces évolutions convaincront à nouveau les parlementaires lors de l’examen de la seconde partie du PLF portant sur les dépenses, après la large majorité remportée par la LPM en 2023.
Un article d’Alban Wilfert