Le consentement à l’impôt : baromètre de la démocratie ?

Le vote de la motion de censure à l’Assemblée le mercredi 4 décembre, après le 49.3 visant le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS), et le vote du projet de loi spéciale au Parlement interroge l’un des essentiels de notre héritage post-révolutionnaire : le consentement à l’impôt. Mais qu’est-ce que c’est ?

Quel rapport entre le vote des projets de loi de finances (PLF) et le consentement, notion d’une actualité brûlante ? Idée révolutionnaire si l’en est, le consentement à l’impôt s’est imposé comme le principe de base pour déterminer la fiscalité des contribuables depuis la Révolution de 1789. Pourtant, la tendance semble s’inverser depuis quelques années. 

Les Lumières, origine du consentement du peuple 

Le consentement à l’impôt est une notion qui date, comme pour beaucoup d’autres principes fondateurs de notre démocratie, de l’époque des Lumières. Avant la Révolution, l’impôt fonctionnait par répartition. Sous l’Ancien Régime, le pouvoir dépensait sans se soucier du montant des recettes. L’État – ou le Roi seul, selon les périodes – répartissait l’impôt sur la base des dépenses de l’année, peu importe leur niveau. Pour assumer les dépenses, la charge fiscale était donc répartie sur les contribuables sans leur consentement.

À partir de la Révolution, les recettes du régime français ont basculé sur un impôt de quotité, soit l’inverse. Depuis 250 ans, le pouvoir exécutif demande d’abord l’accord sur les recettes, actuellement la première partie du PLF, avant de tabler sur les dépenses. En outre, le Parlement est désormais compétent pour consentir, pour la voix du peuple, à l’impôt requis.

Cette notion de consentement est sacralisée à l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : 

Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.”

Dans la pensée des Lumières, le consentement à l’impôt était accompagné de la notion de “civisme fiscal”, liant la citoyenneté au sentiment de légitimité de l’impôt : le citoyen consent à l’utilisation de ces deniers par l’État, car il a confiance en son utilisation politique. Au-delà d’un budget et de sa gestion, il s’agit bien de choix politiques (voir notre article sur le sujet).

Le consentement face à la Constitution

Sous la IVème République, le budget n’était pas présenté par le pouvoir exécutif mais directement débattu au Parlement. Ce régime a néanmoins montré ses limites en voyant défiler 24 gouvernements entre 1947 et 1958, faute d’accord au Parlement. La Vème République, instaurée en partie pour mettre fin aux instabilités politiques, n’a pas fait perdurer le débat ouvert du budget dans l’hémicycle.

Pour assurer cette stabilité, la Constitution de 1958, texte fondateur de la Vème République, s’est dotée de plusieurs instruments de choc, dont le plus connu : l’article 49.3. Cet alinéa d’article permet au Gouvernement d’engager sa responsabilité devant le Parlement pour faire passer un texte de loi sans son consentement. 

La révision constitutionnelle de 2008 a toutefois conditionné son utilisation illimitée aux textes budgétaires, afin de pouvoir l’appliquer aux nombreuses parties (recettes et dépenses) les constituant. En effet, le PLF ou le PLFSS sont des textes bien plus longs qu’un projet de loi ordinaire. Ils requièrent donc une vingtaine de 49.3 pour passer en entier, sans le vote du Parlement.

L’engagement de la responsabilité d’un Gouvernement par la voix de son Premier ministre ouvre une seule et unique issue au Parlement pour se faire entendre en cas d’opposition : la motion de censure. C’est ce qu’il s’est passé le mercredi 4 décembre 2024, faisant tomber le gouvernement en place.

Par nature, les votes des textes budgétaires (PLF, PLFSS, projets de loi rectificative ou de fin de gestion) semblent donc constituer le baromètre de la démocratie représentative française, en tant que les outils exceptionnels comme le 49.3 portent très directement atteinte à la notion de consentement à l’impôt, du peuple par la voix de ses représentants élus.

LÀPJOURNAL

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