À trois jours de la fin des olympiades : point sur la course à Matignon

Alors que la compétition sportive s’étale sur toutes les ondes, que les cris retentissent depuis les terrasses de bar où les Jeux sont rediffusés, L’À-Propos prend ses jumelles et reste concentré sur la perspective d’une rentrée politique électrique. Vous n’avez pas suivi ? On vous fait le point ici :

Ils sont trois pour un poste : quel favori pour Matignon ?

Léon Marchand vient d’obtenir sa quatrième médaille d’or, et Lucie Castets, elle, poursuit sa course pour Matignon. Néanmoins, un nouveau concurrent pourraient menacer sa place sur le podium. Ou peut-être même deux…

C’était l’interview la plus attendue des dernières semaines. Mardi 23 juillet, à quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et plus de 3 semaines après les élections législatives, le Président de la République était sur France 2. Mais quelques minutes avant l’intervention du Chef de l’État : coup de tonnerre ! Un communiqué du Nouveau Front Populaire (NFP) annonce que les partis de la coalition de gauche (La France Insoumise, écolo, socialistes, et communistes) se sont mis d’accord sur le nom d’un candidat Premier Ministre.

Trois semaines et la perspective d’une intervention présidentielle plus tard, fumée blanche … habemus candidatus… Lucie Castets.

Panique dans les rédactions ! Qui est-ce ? Jusque-là inconnue du grand public et mal connue des milieux politiques, Lucie Castets est directrice des finances de la ville de Paris. « Depuis quelques mois seulement » rétorque son équipe à ceux qui l’accusent d’être responsable du déficit abyssal de la capitale. Pour rappel, la dette de la ville de Paris atteint 8,2 milliard d’euros.

Énarque, la candidate à Matignon a fondé une association de défense des Services Publics. Proche d’Anne Hidalgo, dont elle a été la conseillère, elle séduit aussi bien La France insoumise et les Écologistes par son positionnement pro-service public et contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Un bon compromis ! D’autant plus qu’elle jouit d’une faible notoriété et donc ne menace pas les différents potentiels candidats à la présidentielle de 2027.

Aussitôt son nom rendu public, un commando s’est mis en place autour de la candidate à Matignon pour la préparer et l’aider à émerger durant cette période estivale où les exploits de nos athlètes tiennent la première place.

La fenêtre de tir est réduite pour Lucie Castets qui a entrepris une tournée des matinales et au-delà pour se faire connaitre et défendre le programme du NFP, et rien que le programme.

Après un premier déplacement à Lille, suivie par de nombreuses personnalités de gauche – Olivier Faure et Arthur Delaporte pour le PS, Antoine Léaument et Hadrien Clouet pour LFI, Marine Tondelier et Majdouline Sbai pour Les Ecologistes, Léon Deffontaines et Barbara Gomes pour le PCF – elle était ce mercredi 31 juillet dans la banlieue d’Orléans, pour visiter l’usine Duralex tout juste transformée en SCOP (société coopérative de production, où les employés sont les associés majoritaires). Le 26 juillet dernier, le tribunal de commerce d’Orléans avait validé le projet de coopérative proposé par la verrerie française pour se sauver d’un plan de reprise qui auraient coûté l’emploi de plusieurs dizaines d’employés. Ce déplacement, censé montré le soutient du NFP à ce genre de solution, n’a pas été du goût de la Macronie ni du groupe Les Républicains (LR). Maire d’Orléans et président de la métropole, Serge Grouard, tout juste sorti des LR, a aussitôt dénoncé une récupération de la part de la gauche sur ce site dans lequel la mairie estime s’être largement investie.

Dès son interview du 23 juillet le Président a balayé l’hypothèse de la nommer à Matignon. « Le sujet n’est pas là ». « Le sujet n’est pas un nom donné par une formation politique », a-t-il ajouté, estimant qu’il « serait faux de dire que le NFP a une majorité quelle qu’elle soit ».

La Constitution prévoit que le Chef de l’État nomme au poste de Premier Ministre une personne issue de la majorité à l’Assemblée nationale. Bien que Gabriel Attal ait présenté la démission de son Gouvernement, ce dernier peut toujours prendre des décrets, des arrêtés et des circulaires pour mettre en application des lois déjà votées, jusqu’à la nomination d’un nouveau Gouvernement.

Depuis les élections législatives, le NFP ne dispose que de 182 sièges au Palais Bourbon, une percée de la gauche, mais toujours loin des 289 de la majorité absolue. Lucie Castets, connue pour son intransigeance, n’entend pas déroger au programme du NFP. Le compromis, pourtant nécessaire lorsqu’on ne détient pas la majorité à l’Assemblée nationale, ne semblait pas envisageable lors de ces premières prises de parole.

La candidate de la gauche à Matignon doit en effet jongler entre la volonté des électeurs de gauche de voir enfin appliquer des mesures de justices sociales et de d’écologie attendues, selon eux, depuis bien trop longtemps, et la nécessité de négocier avec les autres groupes politiques afin d’éviter la censure. Dans un entretien accordé à la Tribune Dimanche[1], Lucie Castets a toutefois adouci son positionnement estimant que des accommodements pourraient être négociés avec les autres forces parlementaires, excepté le RN avec qui la gauche refuse de discuter.

Cette configuration fait toutefois risquer une motion de censure à tout Gouvernement NFP. D’autant que la Macronie et LR ont déjà annoncé voter la censure de tout gouvernement dans lequel LFI se verrait attribuer un « maroquin ministériel », c’est-à-dire un beau ministère. Une motion de censure peut être déposée à partir d’un seuil d’un dixième des députés de l’hémicycle seulement, et soumise au vote de l’Assemblée 48h après le dépôt de la motion. Pour être adoptée elle doit recueillir la majorité absolue des voix. Dans ce cas le Gouvernement est contraint de présenter sa démission.

La motion de censure de Margot Soulat

Pour éviter des censures à répétition, et comme un air de IVème République – pendant laquelle la durée moyenne d’un gouvernement était de sept mois – le Président consulte à tout va depuis le Fort de Brégançon, demeure officielle des Présidents pour leurs vacances estivales. De ses discussions, un nouveau nom émerge… celui du président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand.

Tenant d’une droite sociale, l’ancien ministre des Affaires sociales de Nicolas Sarkozy pourrait rassembler de nombreux LR jusqu’aux socialistes avec qui il parle régulièrement. Ouvertement anti-RN dans sa région, il représenterait un semblant de cohabitation, tout en donnant des gages aux électeurs de droite, majoritaires dans le pays. Un autre de ses atouts pour le camp présidentiel : court-circuiter l’ambition de Laurent Wauquiez pour les élections présidentielles de 2027. Néanmoins la candidature de X. Bertrand pourrait être freinée, voire empêchée, par le refus de la Droite Républicaine d’intégrer le Gouvernement.

La nature ayant horreur du vide, un troisième challenger vient depuis quelques jours, lui aussi, tenter cette course à Matignon… c’est l’ancien Premier Ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve. Issu du « gaullisme social »[2] et farouchement anti-LFI, il a le potentiel de plaire à une partie de la droite et de la gauche. Il permettrait une large coalition réunissant le bloc central, LR et les socialistes.

La médaille d’or pour Matignon est donc loin d’avoir trouvé son champion.

Un article d’Arnaud Gabardos


[1] « Je ferai des compromis sauf avec le RN » (Lucie Castets, candidate de la gauche au poste de Première ministre) (latribune.fr)

[2] Le ministre socialiste Bernard Cazeneuve s’est « découvert gaulliste » (lepoint.fr)


Avant et après périph’ : deux salles deux ambiances

Le mardi 6 août, nous nous sommes rendus à Montrouge où nous avons interrogé Nadia, Pierrette et Florent, ainsi qu’à Saint-Placide où nous sommes allés à la rencontre de Siranouch et de Marc. Nous les avons questionnés sur leur préférence parmi trois des candidats au poste de futur Premier ministre : Lucie Castets, Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve. 

À Montrouge, place Emile Cresp, un petit skatepark est monté spécialement dans le cadre des Jeux Olympiques (JO) pour le plus grand plaisir des enfants. Dans la rue d’à côté, nous avons rencontré Nadia, une employée du magazine « Inexploré ». Lors de sa pause, elle nous affirme être de gauche mais « ne pas être convaincue par les politiques actuelles ». Dans le parc au bout de la rue, Pierrette profite du soleil pour se balader avec son chien. La retraitée explique :

Du moment qu’on fait une bonne politique je m’en fiche des candidats à Matignon. Mais la gauche comme la droite promettent des choses paraissant inatteignables

Ancien Jeune pop’ à l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), Florent est un habitant de Montrouge, il a son candidat favori pour Matignon : « Madame Castets bien évidemment ! Elle a été désignée par le premier groupe d’opposition, donc ça me paraît logique» Parmi les autres candidats, il décrit :

Xavier Bertrand est hors jeu depuis quelques temps et Bernard Cazeneuve, vu ce qu’il a fait au ministère de l’Intérieur… ce ne sont pas des valeurs de gauche que je défends.

Entre les arrêts Saint-Placide et Montparnasse, nous avons croisé Siranouch, une arménienne vivant depuis de nombreuses années en France. La partisane de droite n’a pas de favori pour Matignon car « je préfère la politique plutôt identitaire, avec une politique migratoire souple ». « Les personnalités politiques actuelles ne sont que de petits bourgeois de gauche et de droite » affirme la trentenaire. Quelques mètres plus loin,  nous avons croisé Marc, lui aussi se considère de droite : « je choisirai Bernard Cazeneuve pour le côté Républicain. Les autres c’est des guignolos, surtout La France Insoumise (LFI) ».

Le point de vue extérieur

Les JO nous permettent de rencontrer de nombreux visiteurs venus du monde entier, l’occasion d’avoir leurs avis sur la politique actuelle en France. À proximité de Montparnasse, Jade, Camille et Ariane sont originaires de Chine et étudient le Droit à Paris 2. Elles assurent que « l’administration française n’est pas très efficace »

Cela fait un demi siècle que Lino visite la capitale chaque mois d’août. L’Italien est socialiste, il assure que la politique française est « plus nette, plus claire, car il n’y a jamais de majorité en Italie ». Mais il reste au courant des actualités françaises et affirme : « le Nouveau Front Populaire (NFP) est un véritable péril ».

Un micro-trottoir de Théophile Joos

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