Le lobbying désigne l’action d’une organisation pour défendre des intérêts financiers, politiques ou professionnels lors de l’élaboration des normes. Il peut être mené par une entreprise, une fédération professionnelle, une ONG ou encore un cabinet de conseil pour le compte d’un tiers. Il est encadré au niveau européen par le registre de transparence et le code de déontologie : les membres de la Commission ainsi que les députés y déclarent leurs rencontres et les lobbys y déclarent le budget dédié à leur activité d’influence.
Le lobbying est multiniveau. Lors de la négociation d’un texte européen, c’est la Commission qui propose une première version à partir de travaux d’experts et de concertations, pour que le Conseil de l’UE puis le Parlement européen négocient et modifient le texte. Les représentants d’intérêts disposent alors de nombreux points d’entrée : ils peuvent échanger avec les fonctionnaires de la Commission, les représentants des États, ou certains députés « clés » comme les représentants des partis ou le rapporteur du texte. Le rapporteur est stratégique puisqu’il participe aux trilogues, des instances de négociation opaques qui permettent d’aboutir à un consensus. Une fois adoptée, le texte devra être « transposée » dans le droit de chaque État. C’est le momentoù les ministères et les parlementaires – nationaux cette fois – pourront être influencés. La multiplicité des strates permet aux acteurs nationaux de faire entendre – indirectement – leurs voix à Bruxelles. Les États peuvent aussi utiliser les lobbies pour connaître les positions d’autres acteurs et faire pression sur ces derniers. De même, l’expertise des lobbies permet, parfois, d’améliorer la cohérence des lois.
L’efficacité des lobbies dépend de trois facteurs. Premièrement, la transparence des négociations permet aux lobbys de connaître la teneur des échanges et d’adapter leur stratégie. Paradoxalement, c’est le manque d’information des citoyens qui permet parfois aux pouvoirs publics de neutraliser l’action d’influence : l’opacité du processus législatif place les lobbies face à des décisionnaires qui peuvent tenir un double langage. Deuxièmement, les lobbies sont plus puissants sur les textes sectoriels, plusprécis, que sur les sujets transversaux. Troisièmement, les lobbies ont besoin de temps pour préparer leur argumentaire et organiser des rencontres. La rapidité du processus de décision impacte donc leur force de frappe.
On constate ainsi que la législation européenne sur le tabac peine à avancer. Il s’agit d’une politique spécifique, qui concerne un nombre restreint d’acteurs très organisés. La procédure européenne est relativement transparente et se poursuit sur plusieurs années. A contrario, la négociation pour une imposition minimale et mondiale des entreprises a été menée par l’OCDE à huis clos. Bien que tous les secteurs soient concernés, les lobbies « de branche » se sont moins mobilisés. Ils ont d’ailleurs bénéficié de beaucoup moins de temps pour influencer l’échelon européen, qui n’a fait que valider le consensus pris à l’OCDE.
Si les pouvoirs publics restent suffisamment neutres pour écouter différents représentants d’intérêts et arbitrer en toute indépendance, le lobbying constitue donc un moyen légal d’influencer la décision politique. Il utilise des arguments rationnels pour convaincre, au sein d’un processus transparent. La corruption s’attaque pour sa part au décisionnaire et fait primer un intérêt sectoriel sur l’intérêt général, pour le bénéfice de la personne soudoyée. La distinction devient néanmoins plus floue lorsque les processus d’encadrement sont défaillants, comme souligné fin 2023 par le Médiateur européen au sujet des relations entre la Commission et l’industrie du tabac.