De Bruxelles au terrain : la PAC ou l’ultime maîtrise de l’entonnoir

La PAC semble être incessamment résumée au fruit de l’unique injonction européenne. L’Europe dicte-t-elle vraiment tout à ses pays membres ? D’ailleurs, c’est qui « l’Europe » ?

Véritable millefeuille administratif, les négociations et la mise en application de la PAC dans nos territoires sont aussi soumises aux exercices de nombreux acteurs, à multi-niveau, directement élus ou relevant de l’administration publique.

La PAC représente environ 88% des revenus avant impôts des agriculteurs français. Cette politique se négocie entre le Conseil de l’Union européenne (UE) et le Parlement européen, c’est une compétence partagée.

Tous deux sont organes représentatifs d’élections directes : au Conseil de l’UE, chaque Etat est représenté par son ministère de compétence – en l’occurrence le ministère de l’Agriculture, et au Parlement européen, siège chaque député directement élu par la population.

La PAC, qui concentre un tiers du budget européen, est aussi indirectement négociée lors de la définition du cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union, déterminé au Conseil européen avec la présidente de la Commission européenne, Ursula Van Der Leyen.*

Ce CFP est similaire aux lois de programmation financière françaises qui font généralement parler d’elles au mois de septembre : il dicte le budget global de l’Union européenne, soit le montant des sommes d’argent allouées par l’UE pour chacune de ses missions et leurs destinations finales.

Toutefois, si les objectifs et méthodes de mise en œuvre de la PAC sont bien déterminées au niveau européen, ce sont aux niveaux locaux que leur allocation s’effectue.

En effet, les régions sélectionnent les stratégies à mettre en œuvre sur leur territoire et contrôlent leur mise en œuvre. Le conseil régional, directement élu par les citoyens, mène cette politique avec l’appui du représentant direct de l’Etat : le préfet.

Ainsi, les niveaux régional et national sont tous deux représentés et pèsent dans l’application de la PAC sur les territoires français. Par exemple, ce comité peut décider de plafonner les aides : donner moins à plus d’agriculteurs, plutôt que plus à moins d’agriculteurs.

En résumé, l’Union européenne donne des sous et impose ses critères… mais ses derniers peuvent être modulés en partie par la région, censée mieux connaître les subtilités de son terroir.

Enfin, c’est le département (dont le conseil est lui aussi élu au suffrage direct) qui, en bout de chaîne, évalue et instruit les dossiers de demandes d’aides et fait le lien avec les bénéficiaires agriculteurs.

Comme un entonnoir, l’immense pouvoir des institutions européennes et des Etats à définir un budget et ses objectifs finit sa course dans le goulot étroit des acteurs territoriaux.

Si les élections présidentielles ont évidemment un rôle à jouer, puisque le Gouvernement négocie directement avec les autres Etats membres, ce millefeuille administratif et politique souligne bien la répartition des forces à l’œuvre sur la politique agricole.

Or, les taux d’abstention aux dernières élections régionales et départementales de 2021 ont marqué un nouveau record de 66,7%, battant le précédent record de 59,4% d’abstention aux européennes de 2009.

Parallèlement à la PAC, d’autres enjeux agissent sur le travail de nos agriculteurs. Le contrôle de la concurrence sur le marché unique de l’UE, par exemple, relève d’une compétence exclusive de la Commission européenne.

Son rôle est d’obliger les entreprises à proposer les meilleurs services aux consommateurs aux prix les plus bas, bloquant parfois les initiatives d’amélioration de rémunération des agriculteurs. La modification du droit européen de la concurrence nécessiterait une réforme profonde de la structure européenne, négociée entre la Commission (non directement élue), le Conseil de l’Union européenne et le Parlement.

La Commission signe également les accords commerciaux internationaux, comme le Mercosur et le Ceta et expose les agriculteurs à une compétition internationale… mais cette signature est toutefois soumise à l’approbation des chefs d’Etat, des députés européens, de l’Assemblée et du Sénat français.

*Eh non ça n’est pas le même Conseil qu’au paragraphe précédent ! Le Conseil européen regroupe l’ensemble des chefs d’états européens.

LÀPJOURNAL

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